Le ruisseau du Batut.

Si c’est à la Devèze des Coustats  sous le petit village du Batut que la douce complainte ondulante de ma source naissante fait entendre ses premiers clapotis, c’est aux bois de la Bugue sous la ferme du Mazet Bas resté sauvage mais devenu bruyant que je soumets mes flots limpides et inaltérés à ma promise Truyère.

Mon voyage débute donc au Batut (900m) sur la commune de Graissac près de Sainte Geneviève sur Argence. Je forme alors un large vallon bocageux débouchant dans une petite plaine humide ou je deviens un accueillant ruisselet parfois profond et serpentant au milieu d’herbiers riches en nourriture. Dés la belle saison dame truite et nos petits migrateurs d’eau douce, les vairons aiment venir frétiller dans ce petit lit douillé que forme alors mon cours. Là, à proximité de mes berges et malgré l’assainissement de la plupart des tourbières environnantes, se côtoient encore monsieur Triton et notre vampire local la Sangsue médicinale devenus si rare en France et qui témoignent tout deux ici de l’excellente qualité de mes eaux.

Juste avant la route (788m) qui relie le paisible village de Rives à celui de Saint-Symphorien-de-Thénières un petit ru vient grossir mon cours. Nous formons ensemble un ruisseau de deux mètres de large environ qui va entailler délicatement ce beau pays Viadénois pour dessiner une douce dépression forestière et resserrée que l’on nome les Fages. C’est un excellent parcours de pêche aux senteurs boisées ou d’opulentes roches de granites se dévoilent à vous sous les incessants débords de mes vas et vient. Une passionnante promenade en bas de ligne parmi mes capricieux méandres ou de petites cascades succèdent à d’accueillantes excavations propices à héberger notre bien-aimée moucheté qui affectionne cet habitat et devient ici plus difficile à capturer.

A l’orée des Fages alors devenu plus sage, je vagabonde à nouveau parmi de verdoyants pâturages. C’est là, la ravine offerte à l’aventure que mes flots se mêlent à ceux du petit ruisseau des Stores, un rendez-vous d’excellence, l’offrande d’une eau saine et généreuse en belles proies ou il s’avère parfois fructueux d’y déposer canne. Tantôt dissimulé derrière d’épais fourrés, je m’insinue parmi ces vertes prairies rendues le plus souvent boueuses en raison des nombreuses fontaines qui y surgissent, un capital d’eaux pures aux jouvences bienfaitrices qui accentuent d’avantage mes ardeurs bouillonnantes. Et c’est dans ce cadre idyllique que dés le mois de mars d’innombrables jonquilles illuminent ma veine pâture de leur étincelante couleur jaune auxquels succède durant le mois de mai son cousin le Narcisse des poètes  qui blanchit et enivre de son puissant parfum ma campagne environnante.

A l’approche du village de Benaven après avoir croisé un petit pont de pierre (680m) qui enjambe mon cours, je m’engage progressivement sur les pentes sauvages et escarpées de notre majestueuse Truyère (350m) qui telle une souveraine incontestable canalise de son autorité implacable mes flots agités. Condamné à me joindre à cette fatale conquérante, je creuse d’abord un doux vallon d’accès facile, propice à de captivantes parties de pêche mais qui très rapidement ce transforme en un véritable défilé sauvage, étroit et compliqué à parcourir. Un précipice ou d’impressionnantes murailles de granites à l’aspect chaotique et aux roches à l’équilibre souvent menaçant s’insurgent devant l’intrépide pêcheur, telles d’imprenables citadelles naturelles ou de féroces soldats à tête de pierre semblent veiller sur moi. Une profonde entaille qui déchire les fortes pentes forestières de sa majesté qui en ces lieux dessine un véritable gouffre. Une configuration qui oblige l’habile baroudeur des torrents à triompher de mes fracassantes cascades après de périlleux contournements pour atteindre les meilleurs postes, propices à abriter mes plus beaux spécimens de farios.

Voila c’est ainsi que se termine mon récit et bien que je ne suis qu’un modeste ruisseau de 7 km environ,  je n’en suis pas moins un petit torrent de montagne généreux plein d’effervescence qui estampille notre incomparable petite province et qui s’applique à combler de belles images et de paniers sagement garnis celui qui sait me respect.

 

Le ruisseau du Batut sous le village de Roucheaudy.


 

Le ruisseau du Batut à hauteur des Stores.


 

Le ruisseau du Batut sous le Mazet Bas.


 

Les Fages.